Fin d'une série qui m'a permis de comprendre pourquoi des structures telles que l'ASN ou l'AIEA existaient à l'heure actuelle.

En regardant l'épisode, j'ai eu l'impression de voir un épisode de "C'est pas sorcier" pour adultes, tellement tout était simple, presque limpide. Tout le monde peut effectivement comprendre ce qui s'est passé, et surtout, ne pas attribuer que la faute à des défaillances humaines.

Legassov l'explique très bien quand il dit qu'effectivement, de nombreuses erreurs ont été faites, mais qu'un problème de conception des réacteurs est également en cause. La scène où il est isolé suite à son discours est par ailleurs très puissante et particulièrement malaisante. On retrouve là toute la dureté du système de l'époque, alors qu'on nous avait presque fait croire à une liberté d'expression possible.

Comme Nick, le flashback m'a replongé dans cette atmosphère oppressante du pilot. J'ai rarement eu ce genre de sensations en regardant une série (sauf peut-être les premières saisons de Black Mirror) ; ce sentiment de mal être en éteignant la télé. Et bien là, cette sensation est revenue. 

La dernière partie de l'épisode où on quitte la fiction pour rejoindre la réalité était assez saisissante. Voir des images d'archives, et finalement, se rappeler que tout ça a réellement existé, c'est puissant.

Putain, mais qu'est-ce que c'était bon.

Non contente en effet de nous livrer une démonstration scientifique des plus simples et des plus efficaces et prenantes, la série ne fait pas de la catastrophe nucléaire qu'une catastrophe soviétique, mais une catastrophe universelle. Non seulement le parti-pris est  donc effectivement humble, mais il est surtout très puissant

J'attendais l'inévitable épisode flash-back sur le déroulement de la catastrophe avec impatience et il est plutôt réussi meême si je regrette un peu les constants va et vien entre le moment de la catastrophe et le procès. Je trouve que l'on y perd en immersion. Dans l'ensemble la série reste remarquable, même si , lorsque l'on se renseigne un peu, il y a beaucoup de libertés prises avec la réalité.  Il y a ainsi clairement un parti pris de faire porter la responsabilité sur le régime soviétique, alors qu'apparemment elle repose essentiellement sur des erreurs humaines et notamment l'inconscience de Diatlov. Les comptes-rendu que j'ai pu lire sur la catastrophe donne un déroulé assez différent du moment de la catastrophe et de ses causes : les barres de contrôles ne descendent pas suffisemment jusqu'au réacteur à cause de la déformation dû à la chaleur, ce qui empêche le refroidissement. Ensuite le fameux "pont de la mort" serait une simple légende urbaine... il y a pas mmal d'autres "erreurs" volontaires que je regrette sur une telle série qui semble au départ jouer sur la véracité des événements.

J'avais un peu peur de ne pas comprendre les raisons de l'explosion. Mais non, au contraire, la série revêt ses habits de professeurs pour nous l'expliquer via un procédé tout simple (des panneaux rouges et bleus) mais diaboliquement efficace. On retourne aussi au cœur de l'accident via des flashbacks et j'ai de nouveau ressenti l' angoisse étouffante du pilote. Finalement cette catastrophe est dû aux mêmes mélanges explosifs qui font les accidents de travail tout les jours dans le monde : mauvaises décisions + empressement +  + excès de confiance + gros facteur "pas de bol".

En tout cas, cette série m'a vraiment touché, au point de me hanter la journée et la nuit, au point d'y penser de manière un peu obsessionnelle, notamment dans le cadre de mon boulot (je ne travaille pas dans le nucléaire, mais au cœur du hall de production d'un groupe alimentaire). On se dit que tout peut aller très vite vers la catastrophe, il suffit d'un brin de malchance, de quelques comportements à risque pour que, soudain, tout dérape. 

J'ai aussi aimé cette série, car elle illustre bien le peu de scrupule qu'ont certains au pouvoir à sacrifier des vies (du moment que ce n'est pas la leur) pour le bien commun et/ou leur bien personnel. Bref, il y a plein de niveau de lectures dans Chernobyl (on peut la voir comme une version moderne de Promothée), mais je retiens surtout cette angoisse et ce sentiment de malaise qui sont sortis de mon écran pour m'envahir et me posséder. Peu de séries ou films sont capable de ça.

Je plains les prochaines séries qui prendront pour thème un fait historique important dans l'histoire des humains (telles The looming Tower ou Black Monday, l'année dernière), car dorénavant ce sera un sacré challenge de rivaliser, voire d'arriver juste à la cheville....

Un épisode ultra solide sur tous les plans et une conclusion habile qui revient sur les causes de la catastrophe, jongle entre des flashbacks et des dialogues/monologues au bord de l'abîme, parachève le réquisitoire contre l'hypocrisie institutionalisée des grandes puissances ("Why worry about something that isn't going to happen", superbe dans le contexte) et souligne qu'il n'y a rien de plus dangereux pour une organisation qu'un maillon qui fait des calculs en pensant être le seul à mentir.

Une conclusion parfaite, hyper émouvante, avec enfin une ébauche d'explication scientifique. Altair a tout dit, et moi j'ai un peu la flemme d'en rajouter...

Je ne sais même pas si j'ai déjà mis un "20" à un épisode, mais là j'ai vraiment envie.

Cet épisode est magistral en tous points - écriture, réalisation, interprétation, pédagogie, émotion, respect vis à vis du sujet et de la mémoire... Il gomme tous les petits défauts qui m'avaient gênés jusqu'ici, comme le fait que la partie scientifique était trop simplifiée à mon goût, et que la série occultait la batterie de chercheurs qui avaient aidé Legasov à prendre les bonnes décisions. Il y a une honnêteté intellectuelle rare et belle dans l'épilogue de l'épisode, qui explique quelles libertés ils ont pris avec la réalité pour la série, et ce que sont devenus les personnages importants comme mineurs (haha).

Le fait de donner à l'épisode la forme d'un "procedural" le rend hyper efficace, et vient répondre point par point à toutes les questions qu'on pouvait se poser depuis le début.

Mais surtout, la série n'élude rien et reste factuelle. Elle n'est ni pro ni anti nucléaire - elle montre de manière objective l'enchainement de circonstances hallucinant qui a mené à l'incident, les dysfonctionnements de l'URSS - mais également les défaillances structurelles des réacteurs RMKB, pour une industrie où l'URSS aurait dû viser le risque zéro. Et j'aime vraiment le fait que la série rentre dans les détails, et que la partie pédagogique "les réacteurs nucléaires pour les nuls" soit aussi bien expliquée.

Bref, "Chernobyl" est une grande, très grande série, qui traite avec intelligence et pudeur un sujet difficile.

Un classique instantanné.